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L’apprentissage des langues africaines est de plus en plus répandu. Cours particuliers, ateliers, livres, comptes Instagram… Les méthodes sont multiples. 

L’apprentissage des langues africaines est de plus en plus répandu. Cours particuliers, ateliers, livres, comptes Instagram...

“Langue des anges” pour le tshiluba, “anglais d’Afrique” pour le lingala… chaque langue a son charme. Le tshiluba ou ciluba est la langue nationale dans la région du Kasaï (dans les provinces du Kasaï-oriental et Kasaï-occidental).  Le lingala est parlé majoritairement dans les deux Congo et en Angola. D’ailleurs, les lingalophones se comptent en millions. 

Lingala, tshiluba, swahili, kikongo… Ces langues bantoues rencontrent un franc succès. Les nombreux artistes congolais sont les premiers vecteurs des langues bantoues en particulier du lingala. “Je suis un lingalophone ! C’est important ! Le français et l’anglais d’accord, mais le Lingala d’abord ! C’est la plus belle langue du monde ! L’américain chante en anglais, moi je te chante en lingala. Je veux valoriser ma langue ” clamait le chanteur Fally Ipupa dans une interview accordé au média panafricain Afrik mag. Rappelons-nous aussi de la bande son du clip promotionnel de Rihanna pour sa marque Fenty. Ce dernier a fait un ravage cet été car il s’agissait d’un morceau en lingala du groupe Tshegue de l’artiste congolaise Faty Sy Savanet. Le lingala s’impose sur la scène internationale. Pas étonnant que la nouvelle génération en reprend les codes. L’intérêt s’accroît et les initiatives se multiplient. Que ce soit pour un besoin personnel, un voyage, une simple curiosité, un retour aux sources, les nouveaux cours de langues bantoues sont ouverts à tous ! Sandrine Lounkokobi, originaire du Congo Brazzaville, a mis en place « moninga na ngai », des ateliers de langues africaines en particulier de lingala et de swahili, parlés dans la région des Grands Lacs. « Je voulais apprendre une langue plus répandue, le lingala était l’idéal car on le parle dans les deux Congo, en Angola et dans d’autres pays voisins comme la République centrafricaine où on le comprend aussi. A la maison, mes parents s’exprimaient plus souvent en lari et parfois en lingala. Pour moi, le lingala représentait la langue du secret. Donc plus tard, j’ai eu envie de l’apprendre.» 

 

En 2017, Sandrine s’immerge au coeur de la langue bantoue en prenant des cours particuliers. En novembre 2018, elle lance le premier atelier. « Prendre des cours particuliers, c’est bien mais en atelier c’est mieux » ajoute-t-elle. En charge de la logistique et de la communication de « moninga na ngai », Sandrine s’est associée au professeur Rigobert Burume Ganywamulume, linguiste de formation pour dispenser des cours mensuels en région parisienne. Il enseigne à un groupe d’élèves  âgés de 15 à 40 ans. Les ateliers de lingala et de swahili durent 3 heures et se font en petit comité, d’environ douze personnes. 

« Les sessions sont composées de personnes ayant différents niveaux. Le professeur s’adapte pour que chacun puisse se retrouver et des jeux de rôles permettent aux participants d’échanger entre eux plus facilement. On essaye aussi de proposer des thèmes spécifiques par exemple, s’il s’agit de la gastronomie, les mikate, célèbres beignets en RDC seront forcément représentés. Au-delà d’un cours classique, c’est aussi une initiation culturelle » précise Sandrine. 

Dans cette jeunesse en quête d’identité, la connexion aux origines passe principalement par la langue. La réappropriation des langues africaines passent par différents moyens.  Des courtes vidéos humoristiques où des jeunes nés en France proposent des sketchs en lingala. Plusieurs pages Instagram ou Facebook proposent du vocabulaire et des leçons. Des écoles africaines comme Ela Jambo au Canada mettent en place des formations culturelles et des voyages d’immersion en Afrique. Fifi et Patou, série d’albums pour enfants lancée par Sylvain Kyungu Kabulo en 2012 propose près de cent langues africaines. 

« De nombreux jeunes cherchent à connaître et apprendre la langue de leurs ancêtres » complète le professeur indépendant, enseignant le lingala et le swahili aux entreprises, aux ONG et travaillant aussi avec la chaîne de télévision française M6 pour des traductions de documentaires. Passionné par les langues, pour lui, les ateliers sont une occasion de transmettre un héritage aux générations futures. « A Paris, nous ne sommes pas nombreux à enseigner ces langues. L’étymologie du mot lingala vient de « mongala » qui signifie rivière. Cette langue qui était utilisée par des « bangala » les riverains. C’est une langue de bantou. Muntu (signifie homme) se répétait chez presque tous les peuples de l’Afrique Centrale d’où l’influence du lingala qui s’étend également au Cameroun, au Gabon et à tous les pays limitrophes de la République démocratique du Congo. » Précisons qu’il existe  des nuances de lingala : « le lingala littéraire, c’est le lingala utilisé dans les livres antiques, dans les séminaires, et parfois dans les médias. Il se caractérise par le respect strict des accords grammaticaux. En seconde position, le lindubile c’est le lingala argotique parlé par les jeunes. Il se caractérise par l’emploi abusif d’expression imagées et emprunts. La jeunesse contracte certains mots et crée donc son propre langage. Ensuite, le lingala courant qui est en fait le niveau le plus populaire. Il se distingue par les emprunts et la simplification des accords du (singulier, pluriel et animé /inanimé).” explique le professeur. 

Aujourd’hui, une partie de la jeunesse veut s’identifier et connaître d’où elle vient.

Certains parents interdisaient aux enfants de parler lingala ou d’autres langues africaines dans un souci d’intégration.  Aujourd’hui, ces mêmes enfants se battent pour apprendre leur langue et la transmettre à leur descendance. 

Instagram : @moninganangai


Propos recueillis par Sephora LUKOKI KAPINGA

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