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Votre peau est précieuse, stop à la dépigmentation de la peau, oui à la beauté plurielle et à l’estime de soi“, tel est le message envoyé par l’association Esprit d’ébène. A l’occasion de la campagne #STOPDEPIGMENTATION, lancée le 20 décembre 2017, l’équipe d’esprit d’ébène tente de sensibiliser la population sur cette pratique très répandue, mais néfaste pour la santé. Congo Na Paris Magazine a eu l’occasion d’interroger Mariam Sissoko, chargée de projet et des relations de presse au sein de l’association.

Crédits photos : Esprit d’Ebène

Qui est Esprit d’Ebene ?

Il y a 20 ans, Esprit d’ébène voit le jour. Mams Yaffa franco-malien et mauritanien en est l’initiateur. Au début, nous avions pour mission d’être un pont entre les entreprises et les jeunes de quartiers. Puis nous avons décidé de nous impliquer dans des projets culturels et artistiques ainsi que de faits de société. Une campagne de sensibilisation sur la paludisme a déjà été mise en place. Depuis un an et demi, on travaille sur la campagne de la dépigmentation de la peau. Cette pratique est courante afin d’obtenir une peau claire en appliquant des produits éclaircissants mais dangereux pour l’épiderme.

Comment est né ce projet ?

Pour la petite anecdote, un jour Mams et moi sommes allés récupérer sa fille à l’école. Sa fille avait une copine un peu plus âgée qui n’avait plus la même couleur de peau qu’avant. Mams s’est rendu compte qu’elle était beaucoup plus claire. En discutant avec la jeune fille âgée de 13 ans, on s’est aperçu que c’est un sujet identitaire à traiter. A notre époque, la dépigmentation de la peau débutait à 20 ans voire 22 ans, mais pas à 13 ans. Dès la pré-adolescence, ce phénomène est déjà répandu. La campagne est donc née de ce constat. Nous avons commencé à réfléchir à une communication efficace différente de ce qui a déjà été fait. En 2009, la mairie de Paris a également fait une campagne sur la dépigmentation de la peau. Mais c’était très stigmatisant, d’ailleurs elle ne montrait que l’aspect négatif. Mais nous on voulait faire les choses autrement. On s’est donc associé avec la boîte de production Iconoclaste, une société qui n’avait jamais entendu parler de la dépigmentation de la peau. Donc ce fut très intéressant de travailler avec leur regard sur la campagne afin de délivrer un message différent. D’ailleurs, la dépigmentation de la peau concerne autant les indiens, les asiatiques et les maghrébins. Il ne s’agit pas uniquement des noirs.

Crédits photos : Esprit d’Ebene

Sensibiliser sans juger 

Notre objectif est de sensibiliser contre la dépigmentation de la peau. En utilisant des moyens artistiques et culturels, la campagne doit interpeller toutes les communautés d’où les quatre déclinaisons avec quatre messages différents sur les conséquences. L’important c’est que tout le monde se sente concerné. Le but principal de cette campagne c’est de mettre en avant la beauté subjective, la beauté plurielle, la beauté singulière, la confiance en soi et l’estime de soi.

Comment se déroule la campagne ?

Grâce à ces différents profils, nous sortons de la vision communautaire. On aimerait travailler avec toutes les origines pour créer une prise de conscience en chacun. Dans un premier temps, nous avons mis en place la campagne visuelle lancée le 20 décembre avec le partenaire Metrobus. Ensuite, elle se poursuivra courant janvier dans les départements du 91, 93 et le 94 et nous afficherons les visuels sur les panneaux publicitaires près des arrêts de bus par le biais de la société JCDecaux. Une campagne de crowdfunding est également prévue pour financer principalement les ateliers de proximité qui auront lieu début février. Ces ateliers se feront en lien avec des associations à Bobigny, Villiers-le-bel, ainsi que dans les 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris. S’associer avec des associations et des mairies permet de les responsabiliser sur les actions qui se déroulent dans leur ville. Face à ce phénomène de dépigmentation, ils pourront eux aussi sensibiliser la population, les familles et d’autres structures. Car c’est une problématique très importante mais malheureusement peu connue et mal traitée. En dernier lieu, nous prévoyons la mise en place d’un forum pour clôturer notre campagne. Ce sera la conclusion de tous ces mois d’échanges, avec les intervenants, les médias, les participants qui clôtureront cette campagne. Sur du long terme, notre but est d’aller au delà de la région parisienne et pourquoi pas en Afrique. Pour le moment la date du forum n’est pas mentionnée. Nous sommes en pleine campagne et celle-ci va durer entre 9 à 12 mois.

Est-ce que les personnes utilisant des produits de dépigmentation sont intéressés par la campagne ?

D’autres assument et trouvent la campagne intéressante. Et ceux qui n’utilisent pas de produits éclaircissants considèrent l’axe sur l’estime de soi et sur la beauté plurielle comme une bonne problèmatique. Cette campagne a été vu un peu partout et nous avons essentiellement eu des retours positifs.

Les femmes sont plus touchées que les hommes par ce phénomène de dépigmentation ?

D’après notre étude sur une base de 817 répondants entre 20 et 30 ans, 20% ont déjà eu recours à la dépigmentation de la peau, 72% connaissent des personnes de leur entourage qui ont recours à la dépigmentation. Les raisons officielles sont essentiellement dermatologique. Ils font ce choix pour unifier le teint et estomper les tâches hyperpigmentaire. Mais aussi, selon eux, avoir une peau claire est synonyme de beauté.

Pourquoi les autorités sanitaires ne condamnent-elles pas ces pratiques ?

La loi interdit la vente et la mise à disposition de ces produits. Mais c’est un marché noir, vendu de façon illégale dans les quartiers de Château d’Eau et Château Rouge. Le problème ce sont les conséquences liées à ces produits. Par exemple, à cause des effets secondaires, la peau se rétrécit. En cas de césarienne pour certaines femmes, la peau peut très mal cicatrisée et être infectée. Un ophtalmologue a découvert que les produits dépigmentants altéraient aussi la vue. Mais malheureusement, il n’y a pas eu assez de morts ni de blessés pour que la population réalise le danger de ces produits. Les autorités sanitaires ne se sont pas assez posées pour régler ce problème. Le sujet n’est pas traité à sa juste valeur sans doute parce qu’il n’y a pas assez de chiffres sur la question.

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