Tonga Mboka...

Créé en 1897 pour glorifier l’entreprise coloniale belge au Congo, le musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren a rouvert ses portes le 9 décembre dernier après cinq années de rénovation. Cet ancien symbole du colonialisme belge est rebaptisé aujourd’hui, AfricaMuseum. 

Un siècle de propagande coloniale raciste

Construit par le roi des Belges Léopold II avec les bénéfices des plantations de caoutchouc de l’État indépendant du Congo, un territoire qui était au départ sa propriété personnelle. Le musée du Congo est né en 1897 dans le cadre de l’Exposition universelle de Bruxelles. Près de 1,3 million de Belges, soit un tiers de la population de l’époque, sont venus voir le zoo humain que le roi avait installé dans son domaine de Tervuren, aux portes de Bruxelles. C’était la reconstitution d’un “village africain” avec cases, animaux empaillés et 267 personnes transportées du Congo pour l’occasion. Sa mission originellement explicite – faire de la propagande en faveur de la colonie – a été poursuivie jusqu’à l’indépendance du Congo (1960) et bien au-delà. 

 

Après les indépendances, le musée est resté très fréquenté (environ 200.000 visiteurs par an dans les années 1970 et 1980  ; 130.000 juste avant sa fermeture), notamment par un public scolaire 45.000 élèves en 1974). À peu près jusqu’à sa fermeture, en 2013, le musée continuait à célébrer, ouvertement et de la façon la plus grossière, la glorieuse « mission civilisatrice » des Belges au Congo, « libérant » les « indigènes » de l’esclavagisme arabe » ainsi que la supériorité raciale de l’homme « blanc » sur le « noir ». Tout en prétendant être une institution « scientifique  » moderne, le musée continuait son œuvre de propagande coloniale en diffusant les pires clichés racistes. 

Travaux de rénovation

Jusqu’à l’orée des années 2000, pas un mot n’était dit des crimes coloniaux commis par les forces coloniales léopoldiennes et belges. Un holocauste oublié. Celui-ci s’est en effet caractérisé par le travail forcé, des massacres à grande échelle et des mutilations systématiques. La colonisation belge a fait plus de 10 millions de morts. 

En 2001, un nouveau directeur fait son entrée : Guido Gryseels. Il est davantage conscient que le Musée ne peut plus se permettre de ne rien changer. Tant sur la forme que sur le fond l’institution doit faire peau neuve. Une de ses initiatives va être de chercher à ouvrir le musée aux diasporas. Il va donc recontacter ce petit groupe anversois qui était venu proposer sa participation. Une grande assemblée va être réunie qui sera composée d’un maximum d’associations issues des minorités africaines. De cela sortira le COMRAF (Comité de Concertation MRAC-Associations Africaines) le 17 novembre 2004. Celui-ci est composé de 17 membres : 5 issus du musée et 12 issus des associations africaines. Celui-ci à un rôle purement consultatif et est relié au directeur dans une optique de conseil. Leur mandat est de quatre ans.

Au terme de ces quatre premières années, une évaluation est faite. Beaucoup d’éléments à améliorer sont pointés. Le COMRAF demande que son rôle passe de « consultatif » à « concertatif », c’est-à-dire que si un refus est opposé à une de leurs propositions, celui-ci doit être justifié par la direction. Ils créent aussi une charte du groupe, et commencent à réfléchir aux modalités de participation à la rénovation, conscients qu’une réunion de bénévoles une fois par mois n’est pas à même de peser réellement sur les choix qui seront faits pour celle-ci. Mais le plus gros changement qui va intervenir à ce moment est l’ouverture réelle du musée aux associations africaines : désormais en plus du COMRAF, il y aura la possibilité pour n’importe quelle association de collaborer avec le musée sur des activités. Cela va notamment déboucher sur les week-ends « Africa Tervuren », durant lesquels le musée est symboliquement « laissé aux mains des africains ». L’objet de ces week-ends est alors culturel plus que politique, l’idée est de faire entrer au musée des artistes africains contemporains : des chanteurs, des peintres, des danseurs etc.

Le 1er décembre 2013, le musée ferme ses portes au public et le travail de rénovation dont on parle depuis tant d’années commence enfin. Dans la foulée en 2014, le COMRAF au cours d’un week-end de réflexion, décide qu’il faut qu’un petit groupe puisse suivre cette rénovation de près et au quotidien. Le G6 sera ainsi créé : 6 représentants de la diaspora qui suivront de près les rénovations au nom du COMRAF. Chaque département du musée devait consulter le G6 pour tous les choix importants. La collaboration n’a pas été facile. “Beaucoup de scientifiques de l’institution ne comprenaient juste pas que l’on vienne perturber leur travail” explique Primrose Ntumba, ancienne collaboratrice pour les relations et le partenariat avec la diaspora africaine. Puis en 2016, le COMRAF arrive au terme de son mandat 2012-2016.

Un musée « décolonisé» ? 

Après cinq ans de fermeture pour travaux, le public découvre enfin l’exposition mais aussi la nouvelle aile, entièrement vitrée, qui fait office d’accueil. Elle est reliée au bâtiment historique, classé, par un souterrain. La superficie du musée est passée de 6.000 à 11.000 mètres carré. La presse belge a dans, sa grande majorité, salué la rénovation  « À Tervuren, la page de la Belgique apportant la civilisation au Congo est définitivement tournée » déclarait ainsi le journal Le Soir. D’autres voix se sont exprimées en sens inverse, comme celle du Collectif Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations, qui estime quant à lui qu’il s’agit d’une décolonisation « cosmétique » et « manquée » du musée. 

Autre débat se pose la question de la propriété des objets et de la restitution des oeuvres. Lors de l’ouverture officielle du musée national de la RDC (MNRDC) inauguré le samedi 23 novembre, le Président congolais Félix Tshisekedi a déclaré que les œuvres d’art actuellement exposées au Musée de l’Afrique centrale de Tervuren devront finalement être rendues au Congo.

 

Johanna BUKASA MFUNI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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